Jean-Luc Pateytas, l’aquarelliste

 

Un jour d’été, au bord d’une petite crique que la marée vient régulièrement combler, sous des pins parasols à la ramure torturée par le vent, j’ai rencontré les aquarelles de Jean-Luc.

 

Dans l’instant même je me suis sentie irrésistiblement attirée par son univers. Je pensais… Rimbaud, bateau ivre, départ , « bleutés » , et les premiers vers du Bateau ivre du jeune Arthur Rimbaud me venaient à l’esprit « Comme je descendais des fleuves impassibles Je ne me sentis plus guidé par les haleurs …. Alors longuement j’ai interrogé cette production tâtonnante mais ferme que j’avais sous les yeux.

 

Un bateau sur sa cale ; « immobilité bleue » la formule de Rimbaud me revenait à l’esprit. Posé là, à l’amarre , une forme , et un décor de camaïeux bleu, bleu-vert lui donnait corps ; un départ vertical bien sur , un voyage , une invitation vers les contrées ou l’imagination est reine ….. Une brume l’auréolait, composait son décor, un subtil mélanges de pigments blancs , bleus, vert pale - le vide, le ciel, la mer – des coulures verticales, comme des larmes de pluies montrait l’état et l’aspiration du vertical - une formidable nécessité d’aller vers…. des lieux inconnus, des ports non répertoriés. J’ai eu l’envie de l’emporter.

 

Mais j’ai choisie autre chose, quand sous les yeux j’ai rencontré la série des malles de voyages, seules ou empilées, patinées, comme décor une auréole des mêmes pigments colorés, un vert indéfinissable, moussu…, délavé, patiné, qui raconte l’invitation au voyage vers des lieux improbables, prêtes pour accompagner le voyageur immobile…

 

Il y a la série des bars qui m’a fait encore hésité, ces lieux où l’on se regroupe, où l’on se pose, comme dans un hall de gare, dans l’attente d’affronter le monde, l’ailleurs ; atmosphère chaleureuse rendue par un mélange subtil de roux et bleu, de gris bleu, et toujours au centre une échappée, grande baie vitrée donnant sur le ciel, la lumière et la trace d’un chemin, l’invitation au départ… encore. Intérieur, pose, refuge, un avant, extérieur l’inconnu, chemins de lumière qui ne mènent nulle part, vers des espaces infinis, une bande de ciel et de lumière ….. et toujours une silhouette de dos, à l’intérieur, attablée face à la lumière , ou extérieure qui semble avoir choisi l’engagement vers….

 

Et il y a encore cette peluche, un lapin blanc sans doute, dont l’humaine nature semble être toute contenue dans cette posture d’abandon - abandon de l’enfance qui sait - fatiguée, usée, d’avoir été manipulé longtemps par la main d’un enfant, touchante ; cet « objet transitionnel » dit on, laissé là, témoin de la fin d’une étape et d’une transition vers d’autres temps. Car on ne grandit pas que sur le témoignage de l’évolution du poids , de la taille , il y a des ajustements intimes et invisibles, dont il faut bien laisser des traces

 

Enfin, la preuve que d’une matière légère comme l’aquarelle, on peut tirer des éléments de la psyché et de l’humaine nature, ses étapes, ses déchirements ou ses nostalgies qui nous concernent tous à un moment ou à un autre.

 

Heureusement Jean Luc doute de ses capacités, signe qu’il poursuivra sa quête et on peut penser qu’il n’a pas fini de susciter notre intérêt, notre admiration, pour notre plus grand plaisir. Bon vent et bonne route donc à Jean Luc Pateytas toujours loin du consumérisme des agences de voyages

 

Ce 18 août 2013 Christiane Valette